Echange avec Anne-Lise Pernotte – maternité tardive et vie professionnelle

J’ai connu Anne-Lise Pernotte via son podcast « avoir un enfant à 40 ans ». La maternité tardive est un sujet qui m’a toujours intéressée car la santé des femmes est une cause qui me tient particulièrement à coeur.  
Mais Anne-Lise aborde ce sujet d’une manière totalement différente de ce qu’on a l’habitude d’entendre. Exit les discours anxiogènes voire totalement flipplants. Alors oui la réalité biologique est bien abordée dans les contenus d’Anne-Lise mais il n’y a pas QUE ça et c’est là où est toute la différence. ( Pour en savoir plus sur ses contenus et son parcours de maternité, je vous invite à découvrir son compte Instagram )
Et même si finalement je suis tombée enceinte à 32 ans il y a 4 ans, le sujet continue bien sûr de m’intéresser et en particulier sous un certain angle : celui de la vie professionnelle.

Ce qui est drôle c’est que j’ai commencé à écouter Anne-Lise en 2019 sans savoir que quelques années plus tard elle emménagerait à Bordeaux et qu’on aurait l’occasion de se rencontrer en vrai et déjeuner plusieurs fois ensemble 😉 

Ainsi j’ai pu lui poser quelques questions sur l’impact de la vie professionnelle dans le désir d’enfant et la maternité. Et voici ses réponses ci-dessous, qu’il faudrait diffuser à toutes les entreprises tant elles sont enrichissantes ! Un très grand merci Anne-Lise pour cet échange.

1/ Dans quelle mesure le désir d'enfant a-t-il évolué dans la vie des femmes ces dernières années ?

Je dirais que le désir d’enfant fait beaucoup plus l’objet d’une réflexion et d’un projet. Les femmes sont aussi moins sensibles à l’injonction à la maternité. Un certain nombre d’entre elles s’autorisent à exprimer un non-désir d’enfant et à le vivre pleinement, même si la pression sociale est encore forte pour enfanter. D’autres vont avoir tendance à retarder ce projet bébé pour vivre leur vie de childfree et prendre le temps de faire carrière, ou tout simplement parce qu’elles n’ont pas encore rencontré le bon partenaire. C’est ce qui explique que l’on fait des enfants de plus en plus tard. Aujourd’hui, 6% des bébés qui naissent chaque année ont une maman quadra. 

Le fait de raisonner en « mode projet » met aussi plus d’enjeux sur ce désir d’enfant. On a envie de le réussir, il est important de tout maîtriser, tout baliser. L’aspect positif, c’est que le désir d’enfant est plus souvent questionné et réfléchi, on ne devient pas mère par hasard, on accède à la parentalité en conscience, ce qui permet, par la suite, de mieux accepter les aléas de la vie de parents (qui sont nombreux !). 

Mais cela peut mener aussi à beaucoup de frustration quand on peine à aller au bout de ce « projet », parce que la procréation reste un grand mystère qu’on ne peut pas toujours contrôler. Et, fonder une famille c’est encore un critère de réussite sociale, c’est la norme, la case à cocher. La sensation d’échec et de dévalorisation peut être forte quand on n’y parvient pas. 

 

2/ En quoi la vie professionnelle a un impact sur le désir d'enfant ?

De plus en plus de femmes travaillent, elles sont soumises aux mêmes rythmes et aux mêmes contraintes que leurs homologues masculins. On ne prend pas (ou très peu) en compte le fait qu’elles puissent faire des enfants. Elles ont la sensation de devoir choisir entre faire carrière ou fonder une famille. La vie professionnelle est encore vécue comme un frein à la procréation et au désir d’enfant. D’ailleurs certaines études démontrent qu’il vaut mieux devenir maman avant 25 ans ou après 35 ans, sous entendant que maternité et carrière sont difficilement compatibles…

 

anne lise pernotte maternité tardive interview cacydio le média de charlotte maury delrieu

3/ Est-ce que maternité tardive et vie professionnelle ont un lien selon toi ?

Oui, clairement. Même si le fait de privilégier sa carrière est loin d’être le seul critère pour retarder son projet bébé. Il se peut qu’on n’ait pas rencontré le bon partenaire, qu’on veuille profiter de sa vie en solo plus longtemps, qu’on attende d’avoir le salaire et le confort matériel nécessaire à élever un enfant, etc. 

Mais il est clair que les entreprises n’incitent pas à devenir maman. Annoncer une grossesse à son patron reste quelque chose de délicat, générateur d’anxiété. Beaucoup de femmes culpabilisent et ont encore l’impression de faire un bébé dans le dos de leur boîte. Du coup, elles repoussent le projet d’enfant, les années passent et elles peuvent se retrouver dans une impasse. D’autant que les femmes ne sont pas toujours informées du vieillissement ovocytaire et du fait qu’il est plus difficile d’avoir un enfant quand on avance en âge. Certaines ont l’impression qu’un piège se referme sur elles : elles ont laissé passer leur chance et il est impossible de revenir en arrière. 

Heureusement, La PMA propose des techniques et des protocoles, tels que le don de gamètes, qui permet de déjouer le temps qui passe. Il est alors possible de devenir maman, même en étant ménopausée. 

Ce que je recommanderais aux femmes qui n’ont pas de désir d’enfant immédiat ou qui n’ont pas rencontré le bon partenaire, c’est de congeler leurs ovocytes. C’est aujourd’hui possible en France jusqu’à 37 ans depuis la loi de bioéthique de 2021.

 

anne lise pernotte maternité tardive interview cacydio le média de charlotte maury delrieu

4/ Comment faire pour que les processus liés au désir d'enfant et à sa réalisation (PMA, FIV ...) puissent être mieux compris par les entreprises ?

Il me semble urgent que les entreprises prennent en compte les spécificités de leurs salariées, qui vont forcément se poser la question à un moment ou un autre de faire un enfant ou pas. 

Depuis l’adoption de la nouvelle loi bioéthique, les couples lesbiens et les femmes seules ont accès à la PMA. Et si on ajoute à cela les chiffres de l’infertilité qui montent en flèche, la PMA va s’inviter dans le quotidien de plus en plus de femmes (et de couples), avec un impact plus ou moins direct sur leur vie professionnelle, et par ricochet, sur les services des ressources humaines et le management des entreprises. 

Certains grands groupes ont déjà pris conscience de cette problématique. Carrefour offre 3 jours lors d’une fausse couche et 12 jours de congés supplémentaires en cas d’endométriose sévère. Mais les initiatives sont encore timides. Et les entreprises sont peu informées sur les enjeux d’un fort désir d’enfant et d’un parcours de fertilité. Il y a donc de la pédagogie et de la sensibilisation à faire sur ces thématiques, à travers des ateliers ou des conférences dédiés.

 

anne lise pernotte maternité tardive interview cacydio le média de charlotte maury delrieu

5/ De manière plus large, comment ne plus invisibiliser la santé gynécologique dans le monde du travail ?

Du côté des pouvoirs publics, certaines propositions de loi sont à l’étude pour une meilleure prise en compte de la santé de la femme et plus particulièrement de la santé gynécologique de la femme. Il serait question d’un « congé de santé gynécologique », qui prendrait en compte les problématiques de règles douloureuses, mais aussi l’ensemble des pathologies gynécologiques.  C’est une bonne nouvelle et j’espère que ces lois seront adoptées prochainement, sans passer par un débat aussi long que celui qui a concerné la nouvelle loi bioéthique !

Ces pathologies (SOPK, endométriose, SPM violent…) sortiraient enfin du tabou et ne se vivraient plus dans la honte et le silence, comme c’est le cas aujourd’hui. 

anne lise pernotte interview cacydio le media de charlotte maury delrieu

Quelques infos en plus sur Anne-Lise : 

Anne-Lise lance un nouvel accompagnement dédié à la clarification du désir d’enfant (« clarifie ton désir d’enfant »), avec une dimension individuelle et collective. Il s’agit d’un accompagnement pour les femmes qui souhaitent sortir de l’inconfort de l’indécision et choisir en conscience de (re)faire un enfant ou pas. Pour en savoir plus c’est par ici.
 

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