Echange avec Laure Dodier, l’ambassadrice du slow entrepreneuriat

Peut-être que son nom vous dit déjà quelque chose ? Car Laure Dodier est devenue l’ambassadrice nationale du « slow entrepreneuriat » et réalise diverses interventions sur le sujet régulièrement (que ce soit dans les médias ou à travers des tables rondes, conférences etc.)

Et ses interventions ont fini par réellement m’intriguer. Car dans une société où tout va toujours trop vite : comment faire un pas de côté et y trouver de l’épanouissement sans s’épuiser ?  C’est bien de cela dont il est question dans cet échange et aussi d’une définition du « slow entrepreneuriat ». Car peut-être que comme moi au tout départ, vous pensiez que « slow entrepreneuriat » = ennui. Que nenni ! Il ne s’agit pas d’abandonner ses envies mais bien d’éviter l’épuisement et de préserver sa santé. Toutes les explications dans cet échange avec Laure Dodier, que je remercie vivement.

 

1/ Pouvez-vous vous présenter et présenter votre activité ?

Je suis Laure Dodier, une compagne et la maman de 2 petits garçons, j’approche de la quarantaine, à mon compte depuis 2017. J’ai d’abord été freelance dans le digital, et à partir de 2021, j’ai switché pour fonder Ma Slow Boite, mon entreprise actuelle.
Ma mission, c’est de populariser le slowpreneuriat, une manière d’entreprendre qui place l’humain et ses besoins au centre de la démarche, et des décisions.
Plus concrètement, j’accompagne des indépendants et entrepreneurs à adopter cette approche, je forme au métier d’accompagnant business orienté slow, et je prends la parole activement sur ces sujets.
Aujourd’hui je suis solopreneure, c’est à dire que je suis en entreprise individuelle et que mon équipe est constituée d’autres indépendantes.
interview laure dodier slow entrepreneuriat dans article cacydio écrit par charlotte maury delrieu

2/ Quels constats faites-vous concernant l'entrepreneuriat dans notre société ? Comment l'expliquez-vous ?

Je constate, globalement, qu’on en demande trop aux entrepreneur·es. Notre rôle dans la société est beau et essentiel: identifier des besoins, apporter des solutions, créer de la valeur et des emplois, fédérer des équipes autour de projets. Et ce qu’on soit freelance ou fondateur d’une grande entreprise, je crois qu’on a tous une pierre à mettre à l’édifice.

Mais à côté de ça, il y a une image très sacrificielle associée au fait d’être à son compte : non seulement il faudrait avoir beaucoup d’ambition, mais en prime être d’accord pour sacrifier au moins pour un temps sa vie personnelle et familiale, sa santé mentale, sa santé tout court. La culture du « no pain no gain » est encore la plus partagée, et fait énormément de dégâts humainement. Et par ricochet, sur les business : difficile de continuer à faire du travail de qualité quand on est en stress chronique, en burn out, malade ou en perte de sens.
L’environnement est très toxique.

Je pense que c’est lié à plusieurs facteurs : d’une part, dans nos valeurs sociétales, il y a encore une grande empreinte de la religion chrétienne, dans laquelle la souffrance est valorisée, voire obligatoire, surtout si on veut réussir.
D’autre part, on est depuis un moment dans une logique économique de croissance financière permanente, et dans un esprit méritocratique. Non seulement il faut toujours gagner plus, mais en prime il faut que le chemin pour ça soit douloureux pour mériter ces nouveaux gains. 
Le tout exacerbé à la sauce XXIème siècle et POF ! J’aimerai que ça fasse des Chocapics, mais ça ne donne juste plein de personnes en souffrance, au nom du business.

Article Laure dodier slow entrepreneuriat (1)

3/ Comment en êtes-vous arrivée au slow entrepreneuriat ? Est-ce un concept théorisé ?

J’y suis arrivée honnêtement par instinct de survie ! Je suis tombée enceinte en me mettant à mon compte, et ma 1ère année de maternité a été très difficile. 
Je travaillais moins qu’en salariat, environ 35/40h par semaine, mais je ne travaillais pas mieux. Du coup j’étais tout le temps en surcharge et à la bourre.
 
J’avais ce que j’appelle le syndrome Beyoncé : je voulais être cette femme qui assure sur tous les plans, business et famille. Je me suis mis une pression de dingue, et j’étais épuisée. J’avais oublié que Beyoncé, elle est très entourée pour accomplir tout ça ! J’avais déjà fait un burn out dans le salariat et je sentais que je m’y dirigeais de nouveau. Il fallait que je lâche du lest d’un côté, et ça m’a semblé bien plus simple côté business que maternité. En 2019, j’ai donc commencé listé tout ce qui me générait du stress dans mon travail pour commencer à les rendre plus simples et confortables, et c’est là qu’a démarré mon cheminement vers le slowpreneuriat.
 
J’ai entendu le nom environ 1 an après de la bouche d’une entrepreneure québécoise, et ça m’a fait du bien de mettre un nom dessus. C’est en fait l‘application du mouvement slow, qui prône un ralentissement, un recentrage sur la et sur sa nature, la collaboration et l’essentialisme, sur l’entrepreneuriat.
Ça existe aussi dans le domaine de l’alimentation, de l’industrie textile, du sexe.
Même s’il n’y a bien que dans le domaine de l’entrepreneuriat que le mot slow est vu de manière péjorative et pas comme un gage de qualité !
Encore un signe qu’il faut à mon sens faire évoluer le regard qu’on porte sur le fait d’entreprendre.
 
interview de laure dodier slow entrepreneuriat sur cacydio le média de charlotte maury delrieu

4/ Accompagnez vous des personnes ayant cette problématique ?

Oui, j’ai pas mal de clientes qui partent du même point de départ que moi, réussir à conjuguer maternité et entrepreneuriat sans avoir envie de sacrifier l’un pour l’autre.
Mais j’accompagne aussi une grande variétés de problématiques business. Le point commun, c’est la ligne d’arrivée : avoir un business épanouissant, construit autour de leurs réalités et de leurs talents, et qui respecte leurs limites au maximum.
Ce qui diffère, c’est le point de départ . J’ai des personnes qui travaillent trop et qui veulent ralentir sans baisser leur impact ou leurs revenus, des personnes qui ont déjà un rythme plutôt slow mais qui veulent croitre et ne savent pas comment faire sans travailler plus, et aussi beaucoup de profils qui ne rentrent pas dans les cases de l’entrepreneuriat classique ou start up : des parents sans solution de garde, des rescapés de burn out qui n’ont plus que quelques heures d’énergie disponibles par semaine, des personnes neuroatypiques, des grandes introverties etc.
J’adore cette variété parce que j’ai moi même tendance à m’ennuyer vite, et j’aime identifier le bon chemin pour la personne au milieu du chaos.
Et dans mon mode de fonctionnement, tout ce qui constitue la réalité d’une personne est un paramètre comme un autre avec lequel il faut composer. Avoir une vie de famille est au même niveau d’importance qu’être Asperger, ou avoir du mal avec les réseaux sociaux.
 
Je travaille sous deux formats différents, pour ajouter encore plus de diversité.
Soit en individuel sous forme de consulting ponctuel, en ligne ou en présentiel sur Bordeaux, pour résoudre des problématiques spécifiques.
Soit au sein d’un écosystème en ligne, Slow Up, dans lequel les personnes viennent pour minimum 1 an et pour transformer durablement leur business. Pour ça, elles ont accès à deux accompagnantes au slowpreneuriat, toute une bibliothèque de ressources pédagogiques, à une communauté Discord pour échanger, célébrer et déposer leurs problématiques en tout temps, et à deux lives par mois pour aborder leur problématiques de vive voix. L’aspect communautaire apporte beaucoup parce que ça devient un endroit où les membres ne se sentent jamais jugés d’avoir choisi cette manière d’entreprendre.
 

5/ Pouvez-vous nous partager quelques tips / astuces pour faire un 1er pas vers soi et son vrai chemin professionnel?

Premièrement, se dire que c’est un chemin d’amélioration continue. Donc non, on ne va pas tout révolutionner en 3 mois – parce qu’il y a un paquet d’injonctions à dépasser et ça prend du temps – mais chaque petit progrès apporte du mieux-être. On a pas besoin de rassembler ses forces pour fournir beaucoup d’efforts pendant longtemps, dans l’espoir d’avoir un résultat énorme en récompense. C’est progressif, et c’est parfait, ça permet de s’adapter.
 
Ensuite, dresser sa liste noire business : qu’est-ce qui est inconfortable, voire vraiment difficile, stressant, dans son quotidien professionnel ? Ça peut être des méthodes de travail, des typologies de clients, le format sous lequel on exerce son métier, ou encore des sacrifices qu’on fait. Cette liste, c’est celle des choses qu’on a le droit de faire évoluer. 
On peut ensuite dresser la liste de ses envies : dans un futur fabuleux, à quoi il ressemblerait ce quotidien professionnel ?
Ça donne un point de départ, et un point d’arrivée. 
Souvent, l’écart est grand et ça peut paraître vertigineux, décourageant. Mais ça c’est si on pense qu’on doit tout changer rapidement. On peut au contraire se demander quelle est la 1ère chose la plus simple à changer, même si elle nous semble infime, et commencer par là pour enclencher le changement. Constater les premiers impacts positifs, et voir que le monde ne s’arrête pas de tourner.
 
Et puis ne pas hésiter à se faire accompagner, par moi ou par quelqu’un d’autre, parce que traverser ça en solitaire, d’autant plus en se sentant à contre-courant, ça rend les choses bien plus difficiles !
 
 
 
photo de laure dodier slow entrepreneuriat pour interview sur cacydio le média de charlotte maury delrieu

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